A propos de Combat de l’amour et de la faim de Stéphanie Hochet, Fayard

Le monde entier est un cactus

(article paru dans Service Littéraire N°19, Mai 2009)

Combat de l’amour et de la faim de Stéphanie Hochet, Fayard

Combat de l’amour et de la faim de Stéphanie Hochet, Fayard

Dans l’Amérique du début du XXème siècle où le puritanisme a durablement installé la perversion, Marie (un homme, une vierge à la pureté préservée par une faute imputée à tort), trahi et rejeté par sa mère adulée, se réinvente au fil de ses pérégrinations. Dépossédé de l’amour maternel, ce bien originel, nécessaire entre tous, il se fait dépossédeur des femmes qu’il rencontre et séduit presque malgré lui. Une seule force le gouverne, le forge : le souffle hurlant d’une faim présente ou, quand elle est comblée, la hantise de son souvenir.

Car le combat du titre n’est pas tant celui que livrerait Marie Shortfellow (petit gars, enfant dans un corps grandi) pour l’amour et contre la faim mais bien la lutte acharnée, titanesque, entre ces deux puissances, ces deux énergies. Dans le monde selon Marie, fait de manque et d’amnésie, l’amour serait la faim assouvie, un état de contentement et d’hébétude dont, finalement, il ne veut pas puisqu’il rend immobile, prive de tout élan. Or c’est l’élan qui le fonde, à l’image de ce pays tout entier voué à la démonstration de la force, à la volonté de grandir quel qu’en soit le prix. Dans la foulée des êtres sont broyés, des fois piétinées, des innocences salies. Qu’importe : il faut gravir.

Aucune douceur dans ce monde-là,  aucune tendresse qui ne soit entachée d’intentions.  Le corps non plus n’est pas un havre.  Au mieux un objet de fantasmes plus cérébraux que sensuels, au pis, l’enveloppe passée au crible de vies souvent résumées à leurs faiblesses, comme un discours involontaire et traître que traînerait chaque individu avec soi.

On retrouve des thèmes chers à l’auteur : la jubilation de la maîtrise, la jouissance du dominé, la frontière floue entre ces deux états.  Les rencontres qui sont toujours des collisions.

L’écriture de Stéphanie Hochet est à l’avenant : phrases sèches et  ramassées aux  tonalités d’accordéon, aux aigreurs de citrons verts.  Et dans les pliures de ces phrases serrées, toute la puissance de ce qui n’est pas dit.

Carole Zalberg, à propos de Combat de l’amour et de la faim, Stéphanie Hochet, Fayard, 2009

Pour suivre l’actualité de Stéphanie Hochet, rendez-vous sur son site : http://stephaniehochet.net/

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *